« […] Je ne peignais que le dimanche et les jours de pluie […] . »
Manabu Mabe, aussi nommé « le Samouraï de la peinture » au Brésil, est un peintre nippo-brésilien. Il naît le 14 septembre 1924 à Shiranuhimachi, préfecture de Kamamuto sur l’île japonaise de Kyûshû où ses parents sont aubergistes puis propriétaires d’un petit salon de coiffure pour hommes.
La famille émigre en 1931 en Amérique du Sud, dans l’État de São Paulo, où elle se lance dans la caféiculture. Manabu Mabe n’a que dix ans et manie la houe du matin au soir, mettant de côté les arts plastiques pour satisfaire son père qui rêve de faire fortune dans le Nouveau Monde.
Le jeune Manabu a vingt ans lorsqu’il esquisse ses premières natures mortes sur des sacs d’arabica transmués en toiles de fortune. Son père meurt en 1949. Il incombe au jeune homme alors âgé de 24 ans, aîné d’une fratrie de sept enfants, de subvenir aux besoins des siens. Mabe achète des terres et devient agriculteur à plein temps, mais consacre ses heures libres à la peinture. Après des débuts figuratifs, il mue progressivement vers l’art abstrait, mouvement dominant du XXᵉ siècle, créé par le peintre Russe Vassily Kandinsky.
En 1951, Mabe envoie une de ses toiles au Salon national des Beaux-Arts de Rio. Celle-ci est retenue. Il se marie la même année avec Yoshini. Après avoir reçu de nombreuses récompenses pour sa peinture, l’artiste vend l’exploitation familiale et décide de s’installer à São Paulo en 1957 afin de se consacrer pleinement à son art. Il s’impose rapidement comme l’un des pionniers de l’art abstrait – succédant au cubisme et au fauvisme de Picasso, Braque et Matisse.
En 1959, Manabu Mabe reçoit le premier prix de la Biennale de São Paulo qui lui est remis par le président Juscelino Kubitschek et sera primé à la première Biennale internationale des jeunes artistes de Paris créée par André Malraux ; il obtiendra également le titre de « meilleur peintre du Brésil ». Une consécration confirmée par le magazine américain Time qui choisit d’intituler un article dédié à l’artiste «1959 : the year of Manabu Mabe ». Sa carrière internationale est lancée.
En 1960, le prix Fiat lui est décerné à la Biennale de Venise. Il obtient aussi la même année la nationalité brésilienne, tout en conservant des liens forts avec son pays d’origine et la culture japonaise. Il fait d’ailleurs construire, d’après ses plans, dans le quartier de Jabaquara à São Paulo, sa demeure principale répondant aux standards architecturaux nippons. Mabe était en outre un golfeur passionné, un épicurien gourmet et un important collectionneur d’œuvres d’art précolombiennes.
Très prolifique, il peindra quelque 3 500 toiles et vivra confortablement de son art (particulièrement coté aux États-Unis et au Japon) jusqu’à son décès le 22 septembre 1997 à São Paulo, survenu suite à une septicémie résultant de complications causées par une greffe de rein. Notez que le 30 janvier 1979, cent-cinquante-trois de ses tableaux les plus réussis ont disparu dans les profondeurs de l’océan Pacifique à bord du Boeing 707-323.
En effet, l’avion-cargo qui les transférait de Tokyo à Los Angeles s’est malheureusement crashé, emportant dans ses soutes englouties des peintures d’un lyrisme et d’une poésie inouïes. Une désolation pour l’artiste qui décidait alors d’en reproduire quelques-unes. Bien que classées dans la catégorie « art abstrait », ses toiles sont naturellement chargées de « saudade » et témoignent d’une sorte de nostalgie contemplative rappelant certaines œuvres de l’artiste allemand Gerhard Richter. Manabu Mabe laisse derrière lui un immense héritage artistique dont vous pouvez profiter dans les musées du monde entier.
HUPSOO MAGAZINE
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