Retrouvez dans HUPSOO MAGAZINE – août 2022, notre article consacré à
Alors qu’il vient à peine d’être libéré de prison après cinq années de détention, Charles, un gangster expérimenté, veut tenter de faire le casse du siècle. Pour mener à bien l’opération, il choisit comme partenaires son compagnon de cellule, Francis, un jeune truand prêt à tout pour gagner de l’argent en travaillant le moins possible, et son beau-frère prénommé Louis. Le bandit sexagénaire a planifié son coup depuis sa cellule. Le dernier. Celui qui le rendra riche et lui apportera la félicité. Bien avant le braquage du Casino Bellagio de Las Vegas dans Ocean’s Eleven, c’est le larcin d’un milliard de francs dérobés dans le sous-sol du Casino Palm Beach dont il est question. Chacun son rôle. Charles surveille les salles du Casino pendant que Francis use de son charme ravageur pour entrer dans les coulisses de l’établissement cannois. Louis sera le chauffeur particulier des deux acolytes. La belle affaire…
Réalisé par Henri Verneuil en 1962-1963, Mélodie en sous-sol est un film policier franco-italien à rebondissements, une adaptation cinématographique triomphale du roman noir de John Trinian, Any Number Can Win, publié en France, chez Gallimard, en 1961. Les répliques efficaces de Michel Audiard font mouche ! Un scénario bien ficelé, un montage cadencé et le jeu d’acteur émérite de Gabin et Delon ont largement contribué au succès du long-métrage à la facture classique. En effet, plus de 3.5 millions de spectateurs se sont rendus dans les salles de cinéma à sa sortie. L’association de la jeune et de l’ancienne génération, ainsi que la mise en scène rigoriste du réalisateur furent commercialement judicieuses. De plus, la Bande Originale aux accents jazzy de Michel Magne tient toutes ses promesses. L’année précédant la sortie de Mélodie en sous-sol, la réussite commerciale du film Un singe en hiver, dans lequel Gabin avait fait sensation aux côtés de Belmondo, donne envie à Henri Verneuil de poursuivre l’essai.
Le célèbre cinéaste et son dialoguiste ont pour première idée de raconter l’histoire d’un pêcheur dans une colonie d’outre-mer. Lorsqu’ils font part de ce projet à Jean Gabin, le verdict tombe : très peu pour lui ! C’est alors qu’ils proposent l’adaptation de la série noire de John Trinian à l’acteur en lui promettant que l’action se déroulera en France. Gabin accepte. Albert Simonin se lance alors dans l’adaptation cinématographique du roman. Pour le second rôle, placer une jeune star montante face au monstre sacré semble être un excellent choix. Jean-Louis Trintignant est d’abord évoqué, mais Alain Delon, déterminé à jouer dans le film, obtiendra finalement le rôle. Néanmoins, les producteurs américains de la MGM refusent de payer un cachet conséquent au jeune interprète qui accepte de renoncer à ses émoluments au profit de la cession des droits du film au Japon. Cet heureux compromis enrichira considérablement l’acteur.
En outre, Henri Verneuil avait joué un rôle notable dans la fin de carrière de Jean Gabin en lui offrant un rôle unique dans Le Président, le rendant atemporel, pacha et pape de sagesse. Le réalisateur poursuit cette démarche dans Mélodie en sous-sol où le personnage incarné par Gabin paraît désuet, perdu dans une société nouvelle et dans la ville de Sarcelles où il ne retrouve pas sa propre maison dans les premières images du film. Il n’en demeure pas moins guide et patriarche face à un Alain Delon usant de tous ses talents pour se tailler la part du lion. On perçoit que le jeune loup, à travers son personnage, prend déjà le relais, occupant l’espace, au cœur de l’action. Pourtant, c’est vers Gabin que Delon lève les yeux. Un respect mutuel entre les deux hommes prévaut dans cette rencontre au sommet. Gabin laisse Delon occuper le terrain ; Charles supervise néanmoins chaque opération. La confrontation des deux protagonistes est admirable d’intensité ; le charisme de l’un nourrissant celui de l’autre.
Tourné en plein âge d’or du cinéma de casse, Mélodie en sous-sol livre un modèle parfait du genre. L’ensemble est aéré, grandiose et offre un divertissement de haute volée égalant les productions anglo-saxonnes ; l’écriture et le montage des plus grosses productions du pays de l’Oncle Sam. Verneuil nous propose un Cinémascope sensationnel en utilisant chaque élément du décor ; donnant au casse lui-même le caractère d’un exploit courageux ; une vision Hustonienne qui fait écho au film hollywoodien Le Trésor de la Sierra Madre, sorti en 1948. La scène finale du film est entrée dans les annales. Celle-ci constitue l’une des séquences les plus remarquables du cinéma français. Mélodie en sous-sol est également une œuvre de transition entre deux époques, tendant vers la jeunesse et la modernité américaine qui seront présentes dans toutes les réalisations postérieures de Verneuil. Le long-métrage d’1:43 min. – rencontrera un succès magistral en France comme à l’étranger et permettra au cinéaste de se faire connaître aux États-Unis, où il tournera La Bataille de San Sebastian, sorti en 1968. L’année suivante, il marque un grand coup avec la sortie du film Le Clan des siciliens, réunissant à nouveau Jean Gabin et Alain Delon à l’écran.
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